Chute de Bachar al-Assad : à combien s’élève la fortune du président déchu syrien ? |
A la tête de la Syrie depuis 24 ans, dont 14 marqués par une guerre civile, Bachar al-Assad a pris la fuite après l'entrée des groupes rebelles syriens dans la capitale, Damas. Le clan Assad, détenteur d'une fortune considérable, a trouvé refuge à Moscou, en Russie.
Chassé de Damas. Les rebelles syriens ont renversé Bachar al-Assad, au pouvoir en Syrie depuis 24 ans. Le dirigeant et sa famille ont pris la fuite dans la nuit du 7 au 8 décembre, direction Moscou, selon les agences de presse russes. Après 14 années de guerre civile, la prise de contrôle de Damas par les islamistes du Hayat Tahrir al-Sham (HTS) marque un tournant dans l’histoire du pays.
L’homme de 59 ans dirige le pays depuis juillet 2000, suite à la mort de son père, Hafez al-Assad. Son départ marque la fin d’un demi-siècle de dynastie Assad, son père ayant pris la tête de la Syrie en 1970, après un coup d’Etat. Bachar al-Assad et son épouse Asma ont exercé pendant des années une influence économique majeure dans la région. Quant à la fortune de la famille Assad, elle est difficile à estimer précisément en raison de la nature opaque de leurs actifs. Cependant, des rapports suggèrent qu'elle s'élèverait à plusieurs milliards de dollars.
Des milliards cachés et des sociétés écrans
En 2022, dans un rapport demandé par le Congrès, le département d’Etat américain a affirmé détenir une «estimation inexacte» de la richesse des Assad. «Les estimations basées sur des informations accessibles à tous placent généralement la fortune de la famille Assad entre 1 et 2 milliards de dollars», précise la partie publique du rapport. Ces chiffres correspondent à la fortune du président en fuite, mais aussi de son frère, sa sœur, ses cousins et son oncle. Le département d’Etat a précisé ne pas avoir assez d’informations sur les biens des trois enfants de Bachar al-Assad, Hafez Bachar, Zein et Karim pour les inclure.
Selon les auteurs du document, la fortune du clan pourrait être bien plus élevée : les Assad sont soupçonnés de posséder davantage de biens sous des noms d'emprunts ou cachés par des montages opaques. Ces pratiques auraient été facilitées notamment grâce à l’appui de la Russie, comme l’a révélé en 2022 l’ONG Global Witness. Par l’intermédiaire de Mudalal Khouri, un financier du régime de Moscou, les Assad auraient mis en place un réseau de blanchiment d’argent visant à «soutenir les programmes d’armes du régime», «l’achat de produits chimiques», l’«approvisionnement en carburant» ainsi que l’«évitement des sanctions» internationales. Le rapport du Congrès américain indique que la famille Assad est à la tête d’un «système complexe, comprenant des sociétés écrans et des entreprises de façade, qui sert d’outil au régime pour accéder aux ressources financières».
Dans la nuit de samedi 7 à dimanche 8 décembre, après le départ de Bachar al-Assad, une partie du palais présidentiel, situé à Damas, a été incendiée. À seulement deux kilomètres de là, des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants ont pénétré dans la résidence fastueuse des Assad, pillée après sa prise par les rebelles. Certains ont immortalisé la scène en vidéo. «Faites-vous plaisir, aujourd'hui, on se régale !», s’exclame l’un des rebelles syriens dans une séquence diffusée en ligne. «Qui veut une Lamborghini pour la victoire ?», demande l’un d’entre eux.
Ces images révèlent le faste dans lequel vivait l’ex-président syrien, contrastant cruellement avec les ravages de la guerre civile, qui a causé des milliers de morts et de déplacés. Déjà en 2012, des documents confidentiels publiés par The Guardian mettaient en lumière le style de vie extravagant du dirigeant, entre achats somptueux de mobilier et de bijoux.
Les zones d’ombre autour des richesses du régime Assad
La fortune du clan Assad est d’autant plus compliquée à estimer que la famille a pendant longtemps été impliquée dans le trafic de captagon, une drogue de synthèse dont la Syrie serait le principal producteur. Il s’agit à l'origine d’un médicament allemand à base de fénétylline, un psychostimulant de la famille des amphétamines, prescrit contre l’hyperactivité ou la dépression.
Classé comme stupéfiant en 1986, le captagon n’est plus commercialisé. Mais il continue à être diffusé via un commerce de contrebande qui s’est développé notamment au Moyen-Orient. Le New Yorker affirme dans un article publié le 4 novembre 2024 que le «régime Assad contrôle (...) une grande partie du commerce de captagon et engrange des milliards de dollars par an». Le «personnage le plus important dans la production et la distribution du captagon par le gouvernement serait le frère cadet du président, Maher al-Assad». Le journal américain chiffre le commerce des amphétamines en Syrie à environ «dix milliards de dollars». Pour comparaison, le produit intérieur brut officiel du pays est de neuf milliards de dollars.
Par ailleurs, un rapport publié en 2022 du think tank américain Center for strategic and International Studies (CSIS) établit que le régime de Bachar al-Assad aurait détourné l’aide internationale adressée à la Syrie. En 2020, environ 60 millions de dollars sur les 113 millions reçus auraient été détournés via ce système. Entre 2019 et 2020, les pertes s’élèveraient à 100 millions de dollars, a calculé le CSIS qui ajoute que le chiffre est probablement sous-estimé.